Responsables à la fois de la productivité des salariés et de leur qualité de vie au travail, les managers font face depuis deux ans à des injonctions contradictoires dans un environnement incertain. Selon notre expert, la succession de burn out ne doit pourtant pas tout au contexte actuel. Explications
Formateur depuis 22 ans, Robert Nemoz aide les actifs du public et du privé à renforcer leurs connaissances en management, vente, ressources humaines, commerce et en efficacité professionnelle.
En 2021, une étude révélait que 56 % des managers étaient en situation de détresse psychologique et 30 % en burn-out sévère. Comment expliquer de tels chiffres ?
Tout d’abord, il faut distinguer le management opérationnel du management de proximité qui concerne des chefs d’équipes de 15 personnes maximum. Ces derniers font face à des problématiques quotidiennes de structuration, d’organisation ou encore de gestion du temps. Avec le développement des outils numériques et la circulation continue de l’information, la notion de priorité a disparu. Désormais, tout est urgent. Parce qu’ils devaient déjà composer avec le manque de temps et de moyens ou avec des horaires à rallonge, les managers de proximité ont été frappés de plein fouet par la crise. Devoir répondre à de nouvelles attentes et adapter ses pratiques managériales au pied levé a créé un inévitable trop plein. C’est la raison pour laquelle cette catégorie professionnelle a été la plus touchée.
S’agit-il d’un problème structurel ?
Je pense que le fossé entre les préconisations politiques et les moyens alloués continue de se creuser. Les directions doivent rendre des comptes à des actionnaires et à des fonds de pension et cela les oblige à avoir le regard fixé sur les tableaux de bord et les lignes de chiffres pour garantir la rentabilité. Elles sont également peu présentes sur le terrain. Tout cela crée un décalage entre le pilotage et la performance des managers. Les relations entre ces deux catégories se détériorent peu à peu. D’un côté, les directeurs demandent plus de résultats et de l’autre, les managers de proximité réclament en vain davantage de moyens humains.
Si les attentes ont évolué avec la crise, certaines restent inchangés, notamment la reconnaissance au travail qui concerne toujours 42% des salariés selon une étude de l’APEC. Le même constat avait été dressé en 2019. Comment l’expliquer ?
Mettre l’accent sur la seule productivité entraine une perte de sens et de repères et mène à une impasse en entreprise. C’est la fameuse pyramide de Maslow. On s’arrête souvent sur les besoins primaires en oubliant les 3 derniers : appartenance, estime, accomplissement de soi. Les salariés passent plus de temps au travail qu’à leur domicile. La considération a donc son importance. On ne peut pas balayer d’un revers de main les notions de relations affectives et la question du regard de l’autre sans entrainer une perte de sens. La reconnaissance figure d’ailleurs au programme des écoles de management et de commerce. Je pense que les attentes en ce sens restent élevées parce que l’on est encore à la traine contrairement à ce que l’on observe en Grande Bretagne. En France, on pense que valoriser un collaborateur est synonyme de promotion ou nous expose à une demande d’augmentation. Culturellement, ce n’est pas encore ancré chez nous. Cela dit, les choses commencent à bouger. Je vais d’ailleurs aller à Quimper ces prochains jours pour animer des sessions de 2 jours sur la reconnaissance au travail à destination de managers de proximité en milieu hospitalier.
L’enquête de l’APEC a aussi mis en exergue le dilemme des managers pris entre deux feux avec d’un côté la nécessité d’être garants d’une certaine qualité de vie au travail, et de l’autre, l’impératif de performance. Comment concilier ces impératifs ?
Le management est avant tout un métier qui consiste à déléguer, organiser, motiver, faire monter en compétences et mener des entretiens de recadrage. Pourtant, j’observe que depuis 15 ans, face à un manque d’effectifs, les managers doivent également prendre en charge des missions historiquement allouées aux ressources humaines, comme le bien-être des salariés. Comment s’occuper sérieusement d’une telle question lorsque l’on est déjà débordé et que l’on doit enchainer les réunions, répondre aux mails, faire des reporting et développer les compétences de son équipe ? Le bien-être au travail est un sujet majeur et les managers ne pourront être efficients dans le domaine que si on leur donne le temps et les moyens d’y arriver. Le Covid a certes permis aux collaborateurs de gagner en autonomie, mais cette autonomie a elle aussi un corolaire qui est le droit à l’erreur, encadré une fois de plus par le chef d’équipe. C’est la raison pour laquelle j’évite de qualifier les personnes en difficulté de « mauvais manager », même si des déviances psychologiques peuvent exister. Je préfère attirer l’attention sur le manque d’outils et de moyens avec lesquels ils doivent composer au quotidien.
La formation a-t-elle un rôle à jouer ?
Elle apporte un panel d’outils efficaces pour apprendre à mieux gérer son temps et les conflits, conduire le changement ou encore se protéger d’une hiérarchie trop directive. Ses acquis peuvent servir toute une vie. Il m’arrive d’ailleurs de revoir des stagiaires des années plus tard et de constater qu’ils utilisent toujours les éléments pédagogiques de leur formation. Etant donné que l’on arrive essentiellement à ces responsabilités managériales sur la base de compétences métier et non relationnelles, se former sera toujours nécessaire. Développer un bon relationnel dans la vie de tous les jours, être assertif, prendre l’autre en considération… Tout cela s’apprend. La formation est un bon moyen d’intégrer ses salariés et surtout de les fidéliser. Dans un contexte où tout va trop vite et où la rentabilité exerce une pression permanente, favoriser l’écoute et la communication constitue une réelle valeur ajoutée. La maitrise de ces soft skills est d’autant plus pertinente que les nouvelles générations mettent un point d’honneur au respect de l’équilibre entre vie professionnelle et vie familiale et n’hésitent plus à démissionner pour occuper des fonctions plus riches de sens.
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